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Dad et sa fille / Noël 2014 XXX

Dad et sa fille / Noël 2014
XXX

Ça fera un mois vendredi.

Je n’ai toujours aucune idée comment cela s’est produit aussi rapidement. Je ne sais toujours pas comment vivre avec ton départ, Dad, sans être complètement déroutée, ensevelie par une tristesse qui est également emballée de douceur… Un coeur arraché de petite fille qui cherche son père: nos discussions du dimanche, nos appels ponctuels de semaine pour une question cuisine ou pour un how-to manuel, pour me partager une chanson que tu as aimée et veux me faire découvrir, pour la question que je gardais souvent pour les dernières minutes d’un appel: «quand est-ce que tu viens nous voir?», pour ce bonheur de te voir arriver chez moi, chez nous, tes travels bags dans une main et ton oreiller dans l’autre (tu voulais bien dormir, sur ton oreiller), 3 becs sur mes joues (à la Suisse) et un hug immense, pour les instants partagés de conversations tellement meaningful et vraies, pour les good night prononcés avant de se revoir le lendemain matin…

Tous les jours, je regarde le signet commémoratif que je t’ai fait pour souligner ta vie. Je le vois sur le frigo, je m’arrête et te regarde dans les yeux, je te dis Hi Dad, j’apprécie ton sourire lumineux et je n’arrive pas à imaginer que je ne le croiserai plus «pour vrai». I know I can close my eyes and imagine your smile, mais de ne plus pouvoir le provoquer chez toi, par mon propre sourire, ou une blague que je te raconte, ou encore, qu’il se dessine tout doucement quand je te regarde jaser et jouer avec ta petite-fille, ça me remplit d’autant plus de peine.

Je te vois dans tous les coins de mon appart, quand je vais faire une promenade, quand je parle à mes frères; je t’entends quand j’écoute la musique que j’ai rapportée de ta maison — un Neil Young, un Bécaud, un Cat Stevens… Je te parle sans cesse, dans ma tête et tout haut, mais tu ne me réponds plus.

Dad, sa fille et sa petite-fille / Septembre 2014

Dad, sa fille et sa petite-fille / Septembre 2014

Where are you Dad?
Why did you need to go?

Le banal du quotidien se fait lourd. La vie continue, le temps ne s’arrête pas, simplement, comme j’aurais envie qu’il le fasse… Les vagues de tristesse me visitent ou m’envahissent, parsemées par la beauté qui se trouve dans le quotidien familial que je vis. Mais quand je regarde mon ventre, plein de vie, avec un bébé en route, je ne peux m’empêcher de sentir le paradoxe puissant entre laisser partir une âme qui nous est si chère et en accueillir une nouvelle… Mon garçon ne rencontrera pas mon père, son grand-papa. Il n’aura pas accès à sa tendresse, sa douce voix, ses habiletés manuelles, sa philosophie toujours optimiste, sa sagesse…

De te savoir mal en point une semaine, avoir un doute au niveau d’un cancer la prochaine, et finalement, avoir un diagnostic final de cancer des poumons / stade 4, quatre jours avant ton décès… je n’y arrive pas. Je ne le comprends pas…

Nous nous sommes vus à plusieurs reprises dans les derniers mois et rien n’aurait pu me mettre la puce à l’oreille. Tu vibrais, tu souriais. Tu te promenais comme un ti-cul, plein d’énergie, dans ta nouvelle bagnole, tu jouais, tu rockais (t’es allé voir les Rolling Stones et tu as tripé!). J’ai eu un choc seulement en te voyant chez toi 2 semaines avant que tu nous quittes — ça faisait à peine plus d’un mois que nous avait visité, le coeur léger… C’est là que mon inquiétude a pris toute son ampleur. Tu avais toujours ta fougue, ton esprit vif, tes yeux qui parlent sincèrement, mais ton corps lui, laissait transparaître une fin assurée.

Pendant cette visite de quatre jours chez toi avec mon frère, on a jasé, on a ri, je t’ai joué un peu de guitare, j’ai chanté pour toi, tu nous en as joué aussi et tu as chanté; ta voix si douce… Du miel pour mes oreilles, du doux dans mon coeur. On a partagé des repas, des sourires, des pleurs, quelques histoires; tu as tenu ma main, tu m’as dit que tu avais toujours aimé tenir la main des gens que tu aimes, que ça te faisait du bien, que l’énergie passait.

En quittant ta demeure — un beau projet dont tu étais fier — je pleurais comme un bébé, ne sachant pas si j’allais te revoir. Tu as pris mon visage dans tes mains et m’as dit «Don’t cry Baby Girl, ça va bien aller». Je vais m’en souvenir, toujours. Tes mains douces, trop douces pour un gars de construction. Tu m’as aussi dit, cachant une petite larme sans doute, que tu aurais voulu me garder à tes côtés pendant un mois. Saches que je l’aurais fait Dad.

Suivi d’un retour à la maison pour quelques jours, le temps que mon grand frère qui avait pris la relève à tes côtés nous appelle et nous signale qu’on devait revenir au plus vite. Un nouveau départ de Montréal aux petites heures pour te revoir, un petit 24 heures avant que tu ne partes pour ton Grand Voyage. Tu étais lumineux, même devant la mort. Tu n’en voulais pas à la vie, tu tenais à la remercier pour tout ce qu’elle t’avait offert. Quel magnifique témoignage, Papa.

Je t’ai répété que je t’aime. J’ai serré ta main. Tu as serré la mienne. Tu m’as fait des clins d’oeil, tu m’as parlé, malgré ton corps souffrant, ton poumon droit qui s’était affaissé. Tu m’as porté, tu nous a porté, tes enfants, comme un papa, fort, jusqu’au bout. Ton amour était palpable. Tu semblais nous dire, les yeux ouverts, dans tes derniers souffles, que tu serais resté avec nous pour toujours, que tu ne voulais pas partir, mais en même temps, tu as quitté la vie avec une sérénité désarmante, une douceur, du Splendide.

J’ai dormi dans ton lit jusqu’à ce qu’on reparte pour le Québec. C’était un peu comme si je dormais dans tes bras, comme quand j’étais petite. Un baume pour mon coeur émietté.

Ne plus te regarder dans tes grands yeux bruns.
Ne plus t’entendre me dire «love you, Babe», ou «je suis fier de toi».
Ne plus t’entendre chanter, comme un Roméo, avant de déjeuner, ou siffler un air doux en te préparant devant le miroir.
Ne plus sentir ton odeur.
Ne plus toucher tes mains.
Ne plus rire comme des fous.
Ne plus voir l’émotion prendre le dessus quand tu me parles d’un sujet qui te touche particulièrement, les larmes se laissant découvrir doucement.
Ne plus te voir sourire.

Ne plus avoir de père…

Je t’aime Dad.
For ever.
I miss you, terriblement.
X X X ta fille X X X

—————

Je laisse une trace ici de l’hommage que je t’ai écrit et que j’ai partagé lors de ton service le
2 octobre dernier.
Love you.

Hommage à Dad

Mario, c’était un artiste.

«Poseur de gypse», «tireur de joints» ou «flatteur de murs», il faisait de son métier un art dans tous les sens du terme; Mario a toujours exprimé un soin des plus particuliers afin d’assurer la plus haute qualité. Il aimait terminer sa journée avec le sentiment du travail bien fait.

Il avait toujours un nouveau projet, que ce soit professionnel ou personnel, Dad aimait bâtir, créer, renouveler, saisir les chances et rêver.

Curieux de nature, Mario se laissait porter par son envie d’apprendre à tous les jours.
De plus, Mario aimait «barguiner», rencontrer de nouvelles personnes, poser des questions, s’arrêter sur le bord de la route pour dénicher une perle rare. Je crois que Michael a particulièrement bien intégré ce legs. Comme mon frère dit, il «fait du Mario» et part à la recherche du deal, passant par la jasette, le rire et la joie de connaître.

Passionné de pool, un adepte de la stratégie du jeu, mais surtout du dépassement de soi, Mario, tout en créant des liens uniques avec les gens qui l’auront accompagné dans cette passion, cultivait l’art de la baguette de billard depuis des décennies. Collectionnant plaques, trophées et éloges verbaux, il en avait fait un art.

Un grand ami à Mario, Ken Deptula, nous a expliqué que le billard n’est pas un jeu de compétition avec l’autre, mais bien face à la table et envers nos propres obstacles, soient-ils techniques ou mêmes personnels.

Connaître cet art, c’était une manière de transcender l’impulsion et de chercher la beauté du coup parfait, de la précision et du savoir qui s’élargit.

Pour avoir croisé d’innombrables amis de Mario, il faut noter qu’il a su se faire l’artiste des relations authentiques. Il a été le frère de plusieurs, un père adoptif pour d’autres, un superbe ami, un confident exceptionnel et un professeur de Vie pour certains.

De tous acabits, ses amis pourront vous raconter une anecdote touchante, une seconde chance que Mario leur a offerte, un soutien formidable, sans demande de réciprocité.

Nous avons eu la chance, mes frères et moi, de rencontrer certains de ses nombreux amis durant les dernières journées de vie de mon père. Orlando, un jeune homme de 40 ans, parlait de lui comme un frère;  il lui avait ouvert la porte de son coeur et de sa maison. Mario s’était fait une nouvelle famille portoricaine, en plein coeur du New Hampshire. Un autre homme, Joe, s’est présenté à nous à l’hôpital jeudi dernier. 6 pieds 2 pouces, énorme, tatoos aux bras, veste de cuir et t-shirt arborant un crâne… Il nous a raconté des histoires soulignant la générosité que mon père lui avait témoignée, à un moment où personne d’autre lui en faisait preuve. Tout en pleurant la maladie de son ami, Joe, comme un gros toutou, nous a touchés de par son admiration et tout l’amour qu’il portait pour Mario…

Si Dad connut un art mieux que bien d’autres, ça aura été celui de la bagnole. Toujours avide d’en savoir plus, il nourrissait sa passion en discutant des derniers modèles et de leur puissance avec son fils aîné, Jonathan, aussi enflammé que lui par l’automobile. Il y a quelques mois seulement, Dad a même renoué avec ses amours de jeunesse en se procurant une superbe Mustang rouge cerise qui l’a fait vibrer jusqu’aux os; l’apogée de sa collection de vie, suite au fameux Duster, à sa Transam ou encore à son Plymouth Satellite.

Artiste du bec sucré, papa aimait les gâteries. Tout comme son père, Ti-Paul, Mario avait la dent sucrée; sirop d’érable, chocolat chaud quotidien, confitures maison, biscuits à la mélasse, Boston Cream Pie et bien d’autres… Une vraie «bébitte à sucre»!

Le jour avant son départ, ma tante Nicole lui a demandé ce qui lui ferait plaisir et il a fait la requête d’une crème glacée à la vanille. Aux dires de John qui est allé la lui chercher, ses yeux se sont illuminés comme ceux d’un enfant de 3 ans; le bonheur se lisait sur son visage entier.

Mario a pratiqué l’art de la musique tout au long de sa vie. Ma mère, Jocelyne, pourrait vous raconter qu’elle l’avait remarqué lorsqu’il jouait dans son «orchestre», les GTO, vers ses 16 ans, chantant «Les portes du pénitencier» ou «Aline» à l’OTJ de St-Benjamin et ensuite à l’Hôtel à Morrisette. Elle pourrait aussi vous dire que sa belle-famille lui demandait d’apporter sa guitare et de chanter «Quand le soleil dit bonjour aux montagnes» lors des soirées de rencontres familiales.

Que ce soit par le chant, par la guitare ou simplement par le partage de son amour pour une chanson en nous la faisant écouter sur vinyle ou vidéo, la musique aura parsemé sa vie et tramé la nôtre. Ses trois enfants, à différents degrés, entretiennent cette passion régulièrement.

Anecdote personnelle: il arrivait souvent que Dad me téléphone pour me faire découvrir une chanson, un artiste, ou encore des paroles qui l’avaient inspiré. Il m’en chantait un bout et me demandait si je la connaissais. Sa voix, si belle, je la conserverai toujours dans mon coeur.

Mario cultivait l’art du sourire, un sourire vrai et lumineux qu’il transmettait aux autres.
Artiste de la sérénité et de la gratitude, Mario a choisi de suivre le chemin de l’optimisme — même dans les dernières heures, il tenait à remercier la Vie pour tout ce qu’elle avait pu lui offrir. Sans regrets, sans amertume, un combattant, toujours.


Cher Dad, tu nous as été un papa jusqu’au bout.
Ton clin d’oeil, ta signature, tu nous en as tous offert un accompagné de ton sourire. Tu  m’as même fait un clin d’oeil dans l’heure avant ton départ…
Ce clin d’oeil qui me disait «ça va aller mon bébé».

À bout de souffle, il a serré la main de mes frères et la mienne, encore une fois pour nous rassurer, pour être là pour nous.

Tu nous as portés, même quand ton corps n’arrivait plus à nourrir la flamme de ta vie. Tu as été un être de lumière, magnifique, tu nous a montré que la sérénité, la dignité et le courage, mais surtout qu’une grande beauté est atteignable, même devant la mort. Le sublime, cher papa, tu nous lui a fait toucher.

Je t’aime, nous t’aimons.

Repose en paix, Dad, et si ce n’est déjà fait, va vite te faire des amis dans les nouveaux horizons qui t’accueillent maintenant.

Tes enfants,
xxx

1970's / Dad and his guitar

1970s / Dad and his guitar

Vue sur le Mont-Royal / Hôtel-Dieu

Vue sur le Mont-Royal / Hôtel-Dieu

J’ai retrouvé une note que j’avais écrite en 2008, pendant que j’attendais au CICS (Centre Intégré en traitement, recherche et enseignement en Cancer du Sein) du CHUM. J’avais trouvé une bosse dans mon sein droit et je commençais le processus afin de savoir c’était «quoi» et quoi en faire.

J’avais écrit ceci:

Perdre le fil. Le retrouver. Être seule. Seule. Respirer. Observer. Attendre.

S’imaginer les saisons qui passent.
Assise devant cette fenêtre. Assise hors de moi-même. Assise avec, en moi, le désir que tout se passe bien.

Pas de cancer.
Please.

The shitbox dans un coin qui crache des nouvelles bidons. Une vieille qui la regarde. Plus rien dans sa vie que le sourire d’un étranger pour la soulager pendant 3 secondes. Douleur chronique.

L’inquiétude / la quiétude. Ça se joue ici.

Lire les gens. Lire les femmes. Lire les yeux. Attendre. Take a number. Wait your turn.

Être avalée par un temps technocratique hyperlent dans une époque qui demande une course à saveur douteuse.

Chercher le bonheur. Éviter de se perdre. Angoisse.

J’ai été opérée en mars 2009 pour une tumeur phyllode mammaire, banale, mais tout de même envahissante.
Quel épisode d’incertitudes…

Merci à la Vie. Je suis en santé.